Liliana & Alexander
Etat des lieux

Alexander avait eu beaucoup de mal à orchestrer ses affaires depuis son arrivée. Il avait beau avoir réussi à manipuler les votes et à acheter quelques personnes chez les Atrides, il était compliqué d’organiser ses affaires quand on avait pas à proprement parlé de dossiers et d’organisation. Il arrivait là, dans cette flotte, sans rien des avantages qu’il avait mit des années à accumuler dans le gouvernement Américain. Et à présent, il fallait tout reconstruire avec les moyens du bord. Comme si ce n’était pas suffisant, il n’aurait pas toutes les informations qu’il aurait voulu qu’importe tout les crédits et les objet de valeurs il pourrait réunir. Il faudrait peut être avoir recours aux anciennes stratégies d’un autre âge... L’espionnage. Il savait que quelques personnes profitaient de ce nouveau départ pour se mettre à boire, se droguer ou fréquenter des professionnels du sexe histoire de savourer leur survie toute nouvelle. Alexander avait du mal avec cette nouvelle vie. Il se réveillait tous les jours en s’imaginant encore dans sa maison de banlieue, prêt à prendre un petit déjeuner tranquillement dans son jardin en feuilletant les journaux du matin sur sa tablette, écoutant d’une oreille distraite les bruits calmes de son voisinage. Non. Il n’y avait que de la ferraille et le vide tout autour. Si quelques fois les bruits et l’activité de sa vie politique sur Terre l’avait irrité au point de considérer une retraite prématurée, tout ce bruit lui manquait. Son fils, calme et plus éteint que d’habitude ne compensait pas ce silence pesant. Alexander avait besoin de bouger et surtout, il avait besoin de lancer ses activités pour assurer sa place, ou au moins, sa sécurité. Il ne doutait pas une seconde que les autres conseillers faisaient la même chose. Ils cherchaient des piliers solides pour asseoir leur domination sur des parts stratégiques de la flotte. Jusque là, le japonais-américain avait réussi à ne se mettre aucun groupe à dos. Ça n’allait pas durer si il voulait que les choses bougent dans son sens. Il ne manquait plus qu’à décider de quel côté faire pencher la balance. Pour ça, il fallait des informations. L’information, c’était le pouvoir.

Comme le conseiller Kaneda ne faisait pas encore assez confiance à son staff pour s’occuper de ce genre d’affaire, il se mit en route vers le coin des archives, département civil. Il n’avait pas à aller très loin. Juste l’autre bout du Pegasus qui n’était pas un vaisseau si volumineux. Les couloirs blancs immaculés et les lumières pures et claires lui donnait l’impression de arpenter une clinique. Rien à voir avec les couloirs en boiseries et tapisseries de la chambre des Représentants ou des ministères. L’aspect pompeux donnait une contenance. Ici, seules les idées semblaient compter. Finalement, c'est devant une porte blanche que le conseiller demanda à sa maigre garde et ses assistants d'attendre. Il n'en avait que pour quelques minutes si la personne en face de lui se pliait assez vite à ses exigences, peut être un peu plus si elle était un peu plus solide que ça. Toquant deux petits coups, il entra ensuite et referma la porte derrière lui. Dans la pièce, des dossiers, d'autres portes... On sentait que tout était encore neuf et frais, les systèmes de classement étaient possiblement encore entrain d'être rodés. Il fit quelques pas dans la pièce qui semblait vide de monde. Des étagères, des meubles de rangements encore vides... Alexander ne pouvait pas voir tous les recoins de la pièce non plus. « Il y a quelqu'un ? » demanda-t-il. Il avait peur que sa requête ne prenne un peu de temps du coup.

Une jeune femme blonde finit par émerger de derrière les allées. Il n'y avait pas forcément beaucoup de personnes qui s'étaient jeté sur ce genre de boulot. Classer, écrire, lire, corriger, trier, à longueur de journée, il ne fallait pas avoir peur des migraines. A vrai dire, certains préféraient encore les travaux plus physique à ces tâches, des fois, un peu répétitives. Dans son boulot aussi, finalement, il devait sans cesse faire et dire les mêmes choses. Mais il y avait toujours une dimension sociale et vivante qui faisait que chaque coup, même répété, n'avait pas le même effet selon la personne. Il y avait tellement de facteurs à considérer à chaque fois que ça en donnait le tournis. L'audace et le culot, il n'y avait que ça qui pouvait vous aider dans une situation compliquée en politique. Avoir de la ressource et surtout, avoir des munitions au cas ou. Alexander négociait rarement si il n'était pas sûr d'avoir le dessus du point de vue de son statut ou du point de vue des informations qu'il possédait. A présent, l'information était plus importante que tout ce qu'il avait réussi à avoir sur Terre. Après tout, sa place était plus fragile encore que lorsqu'il était aux Etats-Unis et la survie du reste de la race humaine était entre ses mains. Il allait probablement jouer avec car il y était obligé, mais le tout était que ceux qui restent soient les bons. Devant lui, par exemple, était une femme dont il ne connaissait pas grand chose si ce n'est le métier et possiblement le rang. Un emploi comme ça pouvait signifier habitante supérieure ou inférieure. Ou même Icare ou Argonaute même si c'était moins probable. Il sourit doucement.

« Conseiller Kaneda, s'il vous plait, et vous êtes ? » Il n'avait pas bataillé comme un sanglier blessé pendant des semaines pour gagner les élections pour garder seulement son titre de monsieur. Cela faisait même plusieurs longues années qu'on ne l'appelait plus monsieur. Sur Terre, depuis environs huit ans c'était monsieur le Représentant Kaneda... Long et pompeux. Finalement, Conseiller lui sied bien mieux. La jeune femme s'enquit de savoir ce qu'elle pouvait faire pour lui. Énormément de choses... Même si tu n'en as pas conscience. Il s'approcha du bureau et jaugea un peu les environs quelques secondes avant de reposer son regard sur elle. « Vous êtes seule à travailler ici ce matin ? » Tout ce foutoir faisait presque peine à voir quand on considérait les mains délicates de la jeune fille, prêts à taper sur le clavier. Attendant la réponse, il renchérit juste après « En fait j'aurais besoin de jeter un coup d’œil à quelques dossiers, discrètement... » en bref, sans que son nom n'apparaisse dans les registres. Toute la force de détenir des informations compromettantes sur quelqu'un était encore que la personne ciblée n'en sache rien. Faire référence à un passer houleux au détour d'une conversation banale faisait toujours son petit effet. Surprendre et déstabiliser, ces deux choses pouvaient drastiquement changer le résultat d'un affrontement politique. Alexander était devenu un peu un expert dans ce sport et il n'allait pas s'arrêtait là. Le cadre avait changé mais les causes étaient les mêmes : survie, liberté et prospérité. Les moyens pour y arrivaient étaient flous et parfois un peu moralement complexes mais il en fallait bien pour se sacrifier et se salir les mains.

La jeune se redressa, confuse et s'excusa avant de se présenter. Il était courant qu'Alexander ai ce genre de réaction. C'était une réaction somme toute naturelle à la hiérarchie et au pouvoir. Il y avait d'autres réactions, plus épidermiques, mais ça, il aurait le temps de les observer plus tard quand il serait un peu plus connu encore. Il sourit, comme amusé par la jeune femme blonde. « Ne vous excusez pas. C'est encore tout frais mademoiselle Forest. Enchanté » Et c'était vrai quelque part. Même si son visage pouvait être trouvé sur le réseau, la plus part des gens connaissaient seulement son nom et sa fonction. Un avantage qu'il serait bientôt difficile à utiliser. Même certains Atrides connaissaient déjà son visage, raison de plus d'être vigilant quand il se baladait sur le Taurus. La jeune femme confirma qu'elle travaillait seule ce matin. Le conseiller pouvait aisément imaginer que la charge de travail était énorme dans ce coin-ci du Pegasus et laisser quelqu'un seul avec tout ça n'allait pas arranger l'organisation des archives. Mais après tout, ils ne pouvaient pas forcer les gens à travailler. Quand ils en auraient marre des rations de survie, ils viendraient quémander du boulot et ce serait au premier arrivé, premier servi. En tout cas, la jeune Forest avait possiblement su guetter une place de choix en postulant au métier d'archiviste. Ils seraient certainement très souvent sollicité dans l'avenir et ils portaient à eux seul l'héritage de la survie humaine... Sacré responsabilité.

Enfin, la jeune femme sembla un peu perplexe face à la demande d'Alexander. Il s'y attendait. Elle avait possiblement été éloignée des milieux politiques pures quand elle était sur Terre et n'avait ainsi pas connaissance du genre de demande que des personnes ayant le contrôle d'informations primordiales pouvaient recevoir. Tant mieux, ça jouait en sa faveur. Il s'installa sur l'une des chaises en face du bureau de la jeune archiviste. En bonne citoyenne, la jolie jeune blonde finit par aller dans le sens du politicien. Gardant son sourire agréable, Alexander hocha la tête. « Il n'y a rien que j'ai plus à cœur que la protection de la flotte. Et je ne pense pas vous apprendre qu'une si petite communauté pourrait grandement être perturbée si seulement une dizaine d'individus mettaient en péril notre démocratie. » Plus le groupe était petite et moins il fallait de perturbateurs pour tout faire basculer d'un côté comme de l'autre. Après, était-ce vraiment pour les plus mauvais desseins ? Alexander voulait surtout que la majorité soit satisfaite et il voulait protéger sa famille, deux aspirations parfaitement morales et normales pour un homme de son statut.

Il sortit de sa poche une liste de noms. Il la posa sur la table. « J'aimerais avoir accès aux dossiers de ces personnes. Les employés d'Icare auront, je pense, plus de pages que les simples citoyens. » Il garda sa main dessus. « Pour des raisons de sécurité, pour moi comme pour vous, surtout pour vous, je ne peux vous la donner. Arriverez-vous à mémoriser ces noms ? » Il y en avait une petite dizaine, d'origines différentes. Si la jeune femme prenait le temps de regarder les dossiers recherchés, elle verrait que la plus part étaient des Atrides qui avaient donc été condamnés, et d'autres étaient des employés d'Icare qui avaient manqué d'être envoyé dans le district sous-terrain. D'autres encore étaient des citoyens qui semblaient ne rien avoir de spécial.