Sujet: Dans ma bouche, un goût de fiel — Dama 11.11.14 19:06
Tâtonnant pour sortir du bar, si on peut appeler ça un bar, une espèce d’auge ambulante où les gens picolaient jusqu’à tomber par terre ou faire un coma éthylique, le sang coulant de son arcade et de tout le pourtour de son œil l’aveuglait. Il était pratiquement certain qu’en dépit de son manque total de visibilité du côté droit que son œil avait survécu à l’attaque de ce tesson de bouteille. Sur le moment il avait flippé, déjà que sa main gauche ne fonctionnait plus très bien depuis qu’il avait buté les meurtriers de sa fille à main nue, les rouant littéralement de coup jusqu’à ce que mort s’ensuive, et que la droit était parfois douloureuse, que sa jambe gauche était raide et toute atrophiée depuis le crash qui l’avait cloué dans un lit d’hôpital durant un an, sans parler de toutes les cicatrices diverses et variées qui pullulaient sur son corps, il avait vraiment eu peur de finir borgne. Ca aurait complété le tableau, et ceux qui l’appellent l’éclopé de service derrière son dos auraient pu largement se bidonner si ça avait été le cas, mais maintenant qu’il roulait convenablement dans son orbite et que la douleur refluait, il pensait que son œil allait bien, qu’il serait probablement enflé pendant plusieurs jours et que sa jolie gueule de texan était maintenant salement abimée mais s’il parvenait à retrouver Damara avant que l’alcool ne le plonge dans les bras de Morphée, peut-être qu’il parviendrait à s’en sortir pas trop mal, et qu’il n’aurait que des cicatrices, pas trop vilaines. Demain ça irait mieux, dans quelques heures, quand Damara se sera occupée de lui, ça ira mieux, mais à cet instant précis, l’œil plongé dans l’obscurité à cause du sang et l’autre gorgée de larmes parce que putain ça faisait un mal de chien, et que malgré tout l’air viril qu’il se donne, particulièrement dans les bars quand il commence à en coller une à un type qui s’est montré mal poli avec la serveuse, non seulement mal poli mais il lui a littéralement collé une main au cul, or le texan a été élevé à l’ancienne, y’a des trucs qui ne se font pas, comme tripoter une femme, surtout en public, surtout quand elle a pas l’air d’accord, c’est parti tout seul, toute cette colère en lui remonte à chaque fois qu’il boit, c’est peut-être le sky qui le rend violent, peut-être parce qu’il garde trop de truc en lui, peut-être parce que tuer ces 4 mecs n’était pas suffisant, que rien ne serait jamais suffisant, que lorsqu’on lui avait arraché sa petite fille c’est comme si on lui avait arraché son cœur battant hors de sa poitrine, après ça, il n’y avait plus que l’obscurité et ce vide, ce néant à l’intérieur, cette amertume, ce goût de cendre au fond de la bouche, cette odeur rance comme celle du varech restant collé à ses narines. La colère n’était pas partie, elle ne part jamais totalement, quand l’air frais fouette son visage et que la douleur qu’est devenu son visage le réveille un peu et dissipe les effets de l’alcool, elle se tapie juste sous la surface. Jamais plus il ne sort sans elle, jamais elle ne le quitte, comme une vieille maitresse, elle enlace son cœur, le fait battre encore un peu. Patibulaire, il erre, il bute contre les objets, les gens, les chiens sur son chemin, il renverse poubelle à qui il dit pardon madame, il pousse une vieille dame croyant que c’est un enfant, il se confond en excuse, sa cervelle est en bouille, un peu comme sa gueule, ravagée façon Picasso, période cubiste. Véritable traversée de l’enfer, les quelques ruelles le séparant de son sésames sont interminables, il s’y paume alors qu’il les connaît par cœur. Errant, il se vautre une ou deux fois, son corps gémit, mais cette alerte est inutile. Le boiteux parvient tant bien bon gré mal gré à cette porte qu’il tambourine. Y’a tant de bruits au dehors, la nuit est si lumineuse, personne ne dort jamais ici, les nuits étoilées de la terre lui manque soudainement, et quand ce manque se fait ressentir, il a la poitrine qui se comprime, comme s’il n’y avait plus d’oxygène, comme s’il étouffait, il voudrait tant la revoir, y retourner une dernière fois. Pensée négative, elle lui traverse le cerveau, le laboure, l’écharpe au passage. Y retourner, y crever. Monter dans cette maudite navette était une erreur. Ils auraient dû rester sous les météorites, laisser dieu les emporter dans son royaume. La pluie lui manque, il devrait pleuvoir, quand son âme broie du noir, estime-t-il, avant il pleuvait, mais plus maintenant. Il n’y a plus que ce vaisseau qui craque, le bruit des moteurs, la chaleur épouvantable, les odeurs qui vous soulève le cœur, et cette vie misérable à perte de vue, cette saleté, cette noirceur qui vous aveugle. La porte finit par s’ouvrir, appuyé dessus, il manque de tomber, en avant, sur celui ou celle qui lui ouvre.
Damara Monroe
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Sujet: Re: Dans ma bouche, un goût de fiel — Dama 15.11.14 20:05
Le silence absolu, de ces silences qui tétanisent dans l'obscurité et la solitude. De ces silences qui n'existent pas ici. Qui n'existent nulle part, sauf au fond de sa psyché en morceaux. Une chambre étroite, moite et des draps qu'elle trempe de son corps qui palpite. Le cœur prêt à arracher sa poitrine et les poumons martyrisant ses côtes. Elle croit avoir encore son odeur, sur elle. Tenace, et tiède, tout contre sa peau. Et c'est sans doute ce à quoi elle se raccroche, pour ne pas s'endormir. Pas trop vite, pas tout de suite. Pour être certaine que personne n'entrera par une quelconque ouverture, que personne ne touchera ses hanches, ne s'agrippera à sa nuque pour y planter des ongles. Des cuisses qu'on écarte et toujours ce silence qui l'obsède. Qui l'enveloppe d'un linceul mortuaire. Elle répète le prénom – son prénom. À la manière d'une prière. D'une vérité qui ne saurait se dissoudre dans l'oxygène. Damara, elle est à bout de souffle. La sueur maculant son débardeur, le bout de tissu qu'elle a sur les fesses. Terreurs nocturnes qu'on appelle ça. Et Damara, elle ne sait plus très bien, la nuit, où se situe les limites entre limbes et délires. La nausée au bord des lèvres et ce besoin d'annihiler ses faiblesses pour ne pas montrer, pour ne pas inquiéter, pour ne pas virer cinglée et sortir de sa piaule un cutter entre les doigts et des cris plein la bouche.
Et puis il y a le bruit. Bruit qui la subtilise à ses cauchemars avec une brutalité déconcertante. Elle s'y habitue, il se peut. Parce qu'on vient chercher de quoi panser les plaies, de quoi sauver des vies, dans son trou. Un trou où les corps vont et viennent. Pourtant, elle est incapable de saisir l'urgence, sur l'instant. Pas plus qu'elle n'est apte à se lever. Les membres tremblants et des mèches de cheveux lui collant aux tempes. Le bruit, à nouveau, se répand dans la pièce, cependant. Des tambourinements d'ivrogne sur sa porte. Alors, d'un geste désorganisé, elle parvient à s'extraire de sa couche. Ses mains blanches se perdent dans sa tignasse, et durant une seconde, il lui vient l'idée de paraître présentable – presque agréable à regarder. À la façon de ses vieilles et mauvaises habitudes, qui restent et persistent quoiqu'il arrive durant des années et des années. Les pieds nus s'aventurent sur le sol froid, ses genoux manquent de céder sous son poids plume. Une main s’agrippe au bord de la table, ensuite à l'un des meubles encombrés. Elle trébuche, sans doute, car le sol semble se disloquer sous ses pieds, et elle entend des objets valdinguer. Lentement, ses prunelles s'adaptent aux ténèbres, et vivement, elle ouvre la porte de son antre sur son visiteur nocturne. Sans penser au moindre danger, sans même supposer qu'on lui veuille du mal. Pas ici, pas quand on sait qui elle est, à qui elle appartient.
Et la silhouette d'un homme manque de l'écraser. Un pas de côté suffit à lui éviter de tomber avec, son dos percutant le mur à sa droite. « Putain mais merde... » qu'elle vocifère entre ses canines. Félin sur le point de mordre et de labourer la face de l'inopportun, qui ose troubler sa quiétude – précaire, et surtout envahir son espace. La porte reste ouverte, et sa patte accrochée à l'arête. Damara, elle lorgne l'individu avachi à ses pieds, elle tente d'en comprendre les courbes et les traits, que la lumière du dehors asperge vulgairement. Et lorsque enfin elle reconnaît Clyde, ses sourcils se froncent et ses mâchoires se crispent. « Quand est-ce que tu vas arrêter de picoler, articule-t-elle. Sobrement. Sans un mot plus haut que l'autre. Sans aucune nuance. Le plat de son pied appuyant dorénavant sur l'épaule de l'homme, elle tente de le faire tourner sur la gauche pour apercevoir les nouveautés qu'il lui apporte, là, à moitié conscient et empestant l'alcool de contrebande. – Tu l'as encore... ? La question fuse, tandis qu'elle scrute la face de l'animal qui agonise en proférant divers borborygmes. Un coup de pied sec et mesquin percute le flanc masculin. Pour qu'il lui réponde, clairement. Et qu'il arrête de geindre et baragouiner des trucs inintelligibles. – Ton œil, Clyde, tu l'as encore ? » qu'elle ajoute, répète ; la mine quasiment dégoûtée par ce spectacle. Les guibolles à l'air et les bras croisés sur les seins. Damara, elle reste immobile. Peut-être un peu en colère, c'est vrai. De devoir renifler ce mélange d'odeurs pestilentielles qui émane de lui. De devoir nettoyer par terre après, aussi.
Clyde Winslow
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Sujet: Re: Dans ma bouche, un goût de fiel — Dama 21.11.14 17:07
Le corps tombe et l’esprit s’éclate sous le choc. Les neurones se dispersent. Les pensées se disloquent. La réalité s’évanouie. En fait, elle n’a plus cours, pas ici, pas maintenant, pas avec une telle dose d’alcool dans le sang. Mais puisque c’est l’effet rechercher… Il ne dis rien, ne se plaint même pas, le choc l’a à peine touché, il était déjà loin quand il a percuté à toute vitesse la porte, puis le sol. Quelques gouttes de sang s’échappent des plaies déjà béantes comme un tas de bouches ignobles, et s’étale par terre façon peinture de Bacon. Il y a une loi, celle de Murphy, qui dicte tout cela. Lutter est inutile, comme pris au piège, le moindre de ses mouvements resserre les liens, l’emprisonne. Sa présence à elle, son parfum entêtant, sa silhouette de gamine à moitié nue, couverte de sueur, le musc de sa moiteur, il n’en a pas conscience, pas à cet instant, la face collée contre le sol, humant son propre fluide vital répandu au sol s’incrustant parmi les multiples tâches déjà présentes dans cette antre de la folie qu’est ce dispensaire improvisé, à la base un appartement tenant plus du bidonville que de la couchette qu’on s’imagine quand on parle de vaiseau spaciaux. Il faut qu’elle le titille, qu’elle lui parle, qu’elle le frappe pour qu’il revienne à lui, qu’il retourne dans la réalité qu’il ne cesse de fuir, trop lâche pour la quitter définitivement. Certains ici ont peur de devenir, peur de ne pas réussir à continuer, peur de ne pas supporter, peur d’un jour se dire que mourir serait pas si con comme solution à leur problème, peur de sombrer sous les asseaux de la fatalité qui résonne ici comme l’unique loi de cette auge infernale. Mais lui ne craint pas tout cela, il se serait donné la mort s’il n’était pas convaincu que si sa fille était au paradis, le sang sur ses mains l’empêcherait à tout jamais de la rejoindre. Il avait tué quatre hommes et même si la bible dit œil pour œil, il ne pouvait admettre et puis le suicide aussi était prohibé. La seule solution restait de survivre, en espérant un jour finir par devenir fou, c’était l’unique moyen de rester à tout jamais avec elle. Fou. Oui. Un éternel refuge où plus jamais la noirceur humaine ne l’atteignerait, ou plus jamais la réalité lui paraîtrait insupportable, ou plus jamais il n’aura le sentiment de courir contre le vent et la marée, ou plus jamais il ne sentira l’insondable vide dans son cœur, l’infinie tristesse niché à l’intérieur. Le coup de pied, douloureux, le ramène à la réalité et sa gueule décomposée se tourne vers la source de cette voix, de ce parfum, de cette silhouette familière, ce visage qui se découpe en ombre chinoise, cette enfant paumée qui lui évoque tout à la fois l’enfant perdu, le désir charnel interdit, l’intolérable fatalité habitant les entrailles de ce qu’il appelle la bête, ce vaisseau dont le simple bruit des moteurs lui donne des envies de vandalisme. Mère nourricière et enfant à la fois, la belle innocente au visage triste le questionne. Borgne, l’est-il ? Il tourne sa sale gueule vers elle, rougie et violacée, tout à la fois par l’alcool de mauvaise qualité que par les coups reçus, il a envie de lui dire qu’elle devrait regarder la gueule de l’autre, sauf que les sons sortent difficilement et qu’il réalise que chaque parole, chaque mot, chaque syllabe sera pénible, un effort insurmontable, que le gonflement dont est atteint une partie de son visage à atteint sa joue et sa bouche, que le coup qu’il s’est prit dans la mâchoire a dû lui briser une dent ou deux, et qu’il ne sera pas fichu de parler avant d’avoir cracher les morceaux qui menacent de l’étouffer. Il crache, le sang gicle avec deux petits morceaux blancs d’émail. Ca brille un bref instant. Son menton ruisselle de sang, ce truc rouge mousseux charriant bave et minuscule morceau de dent. – Sssssshhhhaiis passsssh… jeeeeu crrooua paaaas.