Il s'en était écoulé du temps depuis qu'Alexander était venu. Venu pour lui implanter dans le cœur et dans les yeux le souvenir d'une morte, d'une disparue, et désormais Jason ne pouvait passer un seul jour sans la mémoire de Charlie. Ca en était devenu viscéral, épidermique... Les autres gars remarquaient qu'il était pas dans son assiette. Qu'il mangeait peu, semblait accuser le coup et portait tous les symptômes d'une déprime. Il y en eut certain pour accuser un manque d'oxygène mais l'homme ne les écoutait pas.
Il n'était plus c, plus vraiment, et traînait désormais sa silhouette d'une assignation à une autre avec au cœur comme un serpent pour le mordre encore et encore. La solitude lui faisait tourner la tête, tout avait changé depuis la terre : les règles, les perceptions humaines... Depuis le départ de la flotte, qu'avaient-ils donc construit si ce n'est une guerre ? Et personne n'était là pour les guider, leur réapprendre quelque chose, n'importe quoi...
Pour Jason, la perte ne pourrait être politique ou militaire, non le chaos viendrait de l'absence d'amour. Peu à peu, tous deviendraient comme lui, à oublier comment aimer et dès lors, comment faire ?
Sans Charlie, lui même ne pouvait plus rien apprendre. La femme lui manquait avec trop de violence, ce qu'il voulait, ce qu'il cherchait, c'était sa chaleur lorsque ne pouvait rester que le froid.

Etrange n'est-ce pas, de découvrir que le masque qu'il avait cru porter, celui de Richard, était finalement moulé sur ses propres sentiments.
De temps en temps, Jason s'isolait, poing contre le cœur comme un homme blessé à mort. Il ne savait comment apaiser les douleurs, alors parce que cela était une solution comme une autre, il fredonnait.
Il y eut quelques uns de ses collègues de dortoirs pour mettre tout cela en rapport avec celui qui désormais était le conseiller Kaneda. Quelques rumeurs, à propos d'une connaissance commune entre Jason et l'homme, d'un deuil, d'une perte. Knight souffrait d'un chagrin d'amour, voilà ce qui se murmurait...
On se moqua un peu, entre amertume et dédain car qui ici n'avait pas connu de perte et de deuil ? Il y en eut également pour compatir sans que ce soit assez. Le temps n'était pas aux amitiés, et peut-être que de telles choses ne pourraient plus jamais renaître.

Il avait terminé son service pour aujourd'hui et possédait peu de possibilités si ce n'est rentrer au dortoir. Cependant, l'idée de s'enfermer dans la pièce à vivre le répugnait, aussi Jason préféra retser à « l'extérieur » pour une fausse sensation de liberté.
Il fredonnait d'une voix douce, un peu trop douce pour posséder de l'émotion, une vieille rengaine apprise il ne savait plus trop où. Quelque chose pour parler d'amour, de mort et de perte... les mots n'avaient rien dans sa bouche pourtant il lui semblait les comprendre un peu mieux tout en restant ce bloc froid qu'il paraissait toujours être.

L'écho de pas résonna comme un second battement de cœur. Le militaire se trouvait lui-même dans un cul de sac, endroit généralement apprécié quand on voulait deux secondes de semi-solitude. Il écouta, attentif et rêveur malgré tout. Une femme certainement, ou bien un homme relativement fin soit une chose plutôt rare parmi les militaires. L'homme eut un pressentiment, incapable de décider s'il était bon ou mauvais. Il ne craignait pas pour sa sécurité, voir même il s'en foutait mais....

Mais quoi ?

Ce fut alors qu'on l'appela. La voix avait changé, un peu, et pourtant il la reconnaissait malgré tout Etait-ce elle, là debout devant lui ? Etait-ce ses yeux, l'arrondi de sa bouche comme une question qui ne s'enlèverait jamais ?

Charlie lui manquait-elle donc tellement pour qu'il en vienne aux hallucinations ? Il n'avait même pas eu le temps de s'adosser à un mur avant que le bruit de pas n'intervienne, que la silhouette se présente à son regard...
Une hallucination, ça ne vous court pas après, pourtant.


 « Tu es sensée être morte... Comme lui. Ton frère est venu me voir...il a ton foulard. Qu'est-ce que tu fais ici ? Normalement il n'y a pas de fantômes dans l'espace... Tu devrais être avec Richard, oui avec lui.... vous vu êtes assez attendus »